Exclusif-Affaire Katanga Post Border : Vers une poursuite du duo Matata/Katumbi

Usurpation du pouvoir, faux et usage de faux. L’Inspection générale des Finances en conclurait.
L’IGF a, en effet, été saisie de cette affaire pour la pénétrer en profondeur en vue d’éventuelles poursuites. Moïse Katumbi Chapwe et Augustin Matata Ponyo Mapon se sont relayés dans un deal … ténébreux à Kasumbalesa, principale plaque-tournante de l’import-export de la RDC, après Matadi-port. Ce poste frontalier du Haut-Katanga se retrouve dans une gestion trouble et emberlificotée dans des intérêts privés jusqu’au moins 2041!

L’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) a, en effet, encouragé le gouvernement, par le biais du ministre des Finances, de saisir les cours et tribunaux pour obtenir l’annulation du contrat Katanga Border Post (KBP) négocié, sans l’aval ni délégation du pouvoir reçu du gouvernement central, par Moïse Katumbi, alors Gouverneur du Katanga.

Hélas, voilà 7 ans, que rien n’est fait.
Le contrat Katanga Border Post (KBP,) a été conclu pour une période de 30 ans, avec une éventuelle prolongation de 5 ans.

Moïse Katumbi, alors gouverneur de l’ex-province du Katanga, a, en effet, signé le 22 avril 2011 un contrat de concession de type BOT [Build (contruire), operate (gérer), transfer (rétrocéder)] avec la société Katanga Border Post (KBP) pour la mise en œuvre du projet de construction de nouvelles infrastructures au poste frontalier de Kasumbalesa. La finalité est de décongestionner le poste frontalier de Kasumbalesa.

Fin 2015, Katumbi démissionne de ses fonctions de Gouv, alors que le 11 novembre 2016, alors chef de l’État, Joseph Kabila Kabange, lance les travaux de la première phase du projet qui sont censés être financés par KBP, à hauteur de 15 millions US$. Au départ, KBP dispose, en effet, d’un contrat BOT de 20 ans avec possibilité d’une prolongation de 5 ans. Mais à Kinshasa, des experts estiment que 5 ans suffiraient pour amortir le capital et le projet paraît surfacturé.

Curieusement, le cabinet Matata Ponyo, entré en fonction en mai 2012, reprend le projet et négocie un avenant au contrat BOT en septembre 2012. En sus, les deux parties conviennent d’intégrer les travaux d’extension du parking (10 000 m²) de Kasumbalesa dans l’avenant. Ce qui porte le coût des travaux à 16 500 000 US$, soit une majoration de 10 %. Vint le cabinet Matata II. Suite à la plainte de Henry Yav Muland, nouveau ministre des Finances qui a remplacé Patrice Kitebi, un petit ministre délégué, le régulateur de marchés publics diligente une mission d’enquête au poste frontalier de Kasumablesa.

La mission conclut qu’en ce qui concerne, par exemple, la passation du marché assorti de l’avenant n°1, les éléments du dossier renseignent que « la passation du marché enquêté est faite en violation des prescrits de la loi relative aux marchés publics et du manuel des procédures de passation des marchés publics (inexistence du plan de passation du marché (PPM), inéligibilité du marché même à la procédure du gré à gré, absence d’autorisation préalable de la Direction générale de contrôle des marchés publics ( DGCMP), absence d’avis de l’autorité approbatrice ».

En clair, il fallait au préalable, un décret du 1er ministre, en l’occurrence Adolphe Muzito, puis l’avis favorable de la DGCMP. Mais le 12 mars 2012, l’alors ministre des Finances, Matata Ponyo, court-circuite Muzito en signant l’arrêté n°431/CAB/MIN/FIN/2012 portant agrément du projet d’investissement KPB. Cet arrêté sera brandi comme valant Décret du 1er ministre par le gouvernorat du Haut-Katanga, devant les enquêteurs de l’ARMP abasourdis. Ces derniers sont d’avis que la conséquence juridique de ces violations est la « nullité du marché ». Pour autant, le 20 janvier 2015, un second avenant est conclu et l’entreprise KBP obtient une prolongation de 10 années supplémentaires sur la période de concession qui devient alors de 30 ans et une prolongation éventuelle de 5 ans.

Par cet avenant, le coût de financement de la phase I de la modernisation du poste frontalier de Kasumbalesa passe à 30 millions US$. Commentaire de l’ARMP : « L’avenant n°1 d’un montant de 1 500 000 US$ a consommé 10 % sur les 15 prévus pour la constitution d’un avenant au contrat principal. Le montant de l’avenant n°2 ne devrait donc pas dépasser 750 000 US$, soit 5 % restants. Or cet avenant a été signé pour un montant de 30 millions US$ et affiche un dépassement de 26 250 000 US$, soit 195 %. ». Et l’Autorité de régulation des marchés publics de poursuivre : « Pour ce deuxième avenant, non seulement la Direction générale de contrôle des marchés publics (DGCMP) n’a donné aucun avis de non-objection mais aussi son objet est différent de l’objet initial. »

Du poste frontalier à l’hôpital Sendwe

En réalité, un tiers seulement de cette somme, soit 10 millions US$, est affecté à la modernisation du poste frontalier de Kasumbalesa et les 20 millions restants ont pris des méandres. Le gouvernorat de la province Haut-Katanga qui a hérité du projet au lendemain du redécoupage du Katanga, monte , de bric et de broc, un justificatif : la réhabilitation de l’hôpital général de référence Jason Sendwe, dont 12 millions US$ pour requinquer le complexe hospitalier et 8 millions pour son équipement. Or l’intitulé du marché gagné par KBP est on ne peut plus clair et ne prête nullement à confusion : « Projet de conception, de construction et de mise en œuvre et de transfert de nouvelles installations du poste frontalier de Kasumbalesa ».

Après une relecture en profondeur du contrat convenu entre le gouvernorat du Katanga et la firme KBP, le ministre des Finances, Henry Yav, y a décelé un faisceau de faux et usage de faux et a saisi, par sa correspondance du 9 août 2016 l’ARMP, en dénonciation des irrégularités constatées dans la procédure de passation du contrat dont question.

Yav Mulang a noté que le contrat n’a pas été conclu conformément à la loi relative aux marchés publics (loi n°10/010 du 27 avril 2010), en ceci que s’agissant d’une concession, donc d’un type de délégation de service public, la passation du marché aurait dû passer par un appel d’offres précédé d’une publicité. Et que la signature du contrat n’a pas obtenu l’avis favorable de la DGCMP ni a fait l’objet d’une approbation par décret du 1ER ministre délibéré en Conseil des ministres tel que l’exige l’article 19 du décret 010/34 du 28 décembre 2010, fixant le seuil des passation, de contrôle et d’approbation des marchés publics.

Le ministre des Finances, en guerre quasi ouverte avec Matata, a également désapprouvé la fixation à l’article 2 de l’avenant n°1 du contrat d’un taux d’intérêt annuel en faveur des actionnaires. Cela semble contraire au principe de rémunération retenu dans la définition de service public donnée par l’article 5 de la loi relative aux marchés publics et qui prévoit que cette rémunération est assurée par les résultats de l’exploitation du service.

Par ailleurs, il n’y a aucune preuve de délégation du pouvoir central au pouvoir provincial pour la signature dudit contrat. Voilà qui devrait, au plus haut point, intéresser l’IGF! Le coût de la conception et de la construction des installations n’apparaît pas dans le contrat de base négocié unilatéralement et sans se référer à Kinshasa, par Moïse Katumbi. Voilà selon le ministre des Finances, « une pratique qui n’est pas de nature à encourager la transparence, l’équité et surtout le principe de l’économie ainsi que celui de l’efficience dans le processus de passation des marchés publics et demande, par conséquent, l’annulation du marché inhérent à la modernisation du poste frontalier de Kasumbalesa ».

La suite, on le sait, Jean-Claude Kazembe sera destitué pour « malversations financières ». Alors que Henry Yav Mulang opère un coup de balai de fond en comble dans l’administration douanière de Kasumbalesa, devenue une véritable pègre… au service d’un seul homme comme s’il était Roi du Katanga, commentait la presse à l’époque. Sa correspondance (CAB/MIN/FINANCES/ECO/2016) datée du 9 août 2016, adressée à l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP), devrait sûrement inspirer l’IGF, si jamais Jules Alingete s’intéressait à ce crime économique qui frôle la haute trahison !, selon des experts.

D’ailleurs, s’agissant de l’annulation du contrat KBP tel que sollicité par le ministre des Finances, le Comité de règlement des différends (CRD), organe juridique de l’ARMP, s’est déclaré « incompétent car cette matière relève de la compétence des cours et tribunaux”. Hélas, près de sept ans se sont écoulés, sans que l’État ne traine quiconque devant la justice. Pis, selon des sources, la gestion du complexe KPB a été confiée à une autre société zambienne, Gomes Haulage Limited, jamais repris dans le contrat initial. Autre zone d’ombre que l’IGF devrait éclairer le taux d’intérêts annuel en faveur des actionnaires de KPB ou de Gomes Haulage.

Pour l’ARMP, la loi sur les marchés publics stipule que le prix rémunère le titulaire du marché. Il est sensé lui assurer un bénéfice et couvrir toutes les dépenses qui sont là conséquence nécessaire et directe des travaux, fournitures ou services “.

À l’IGF de prendre le relais de Henri Yav Mulang et de veiller à ce que l’ARMP ne caviarde pas ce dossier de ses archives comme les cours et tribunaux dans l’ex-Katanga quand certains acteurs politiques et affairistes sont dans le viseur de la justice. Comment donc Katumbi peut-il se targuer d’une certaine faveur quand son collègue, à l’époque des faits, le Gouv de l’Équateur, Jean-Claude Baende, faute de l’aval du gouvernement central, a tout simplement rangé dans les tiroirs son ambitieux projet d’électrifier tout Grand Équateur avec la biomasse en partenariat avec une firme finlandaise. L’IGF a, il y a peu, replongé dans les contrats chinois datant de 2007 et tiré des conséquences pour le grand bien de la RDC.

Pourquoi ne le ferait-elle pas pour un contrat qui ne remonte qu’ à 2011? Jules Alingete doit agir, sévir sans délai pour servir d’exemple. Que ne feraient-ils pas demain, si jamais ceux qui sont impliqués dans le dossier KPB, parvenaient à la magistrature suprême ?

Selon le code pénal rdcongolais, livre II, l’usurpation du pouvoir est passible de la prison ferme, au moins six mois sous les verrous.

Pold LEVI Maweja
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